Albert Jacquard



Citations :

- Mon utopie - 2006
- Le compte à rebours a-t-il commencé ? - 2009
- Petite philosophie à l'usage des non-philosophes - 1997
- Halte aux Jeux ! - 2004
- La science à l'usage des non-scientifiques - 2003
- Entretien
- Revue Topo, anatomie du credo - avril 2004



L'éducation, un thème cher à Albert Jacquard

- Moi, Albert Jacquard, ministre de l’Éducation, je décrète



Mon utopie - 2006

  • Les spécialistes peuvent bien faire de savants calculs pour mesurer le coût et les conséquences pour l'économie d'un programme d'amélioration de la santé publique, de même ils peuvent évaluer l'impact d'un programme d'exploration de la planète Mars, mais c'est au citoyen de définir les priorité entre ces projets.

  • Le droit aux soins ne dépend dans chaque Etat que des décisions des autorités nationales; il a donc pu passer, assez rapidement dans certains pays comme le nôtre, du statut de rêve au statut de quasi-réalité. Il est désormais temps de le généraliser à toute l'humanité et, pour cela, de ne pas seulement nationaliser le système sanitaire, mais de le planétiser.

  • Jamais, avant la généralisation du cinéma et de la télévision, les yeux et système nerveux central de nos ancêtres n'avaient été agressés par tant de formes et de couleurs constamment changeantes, et dont le rythme est d'autant plus rapide que le discours associé est plus insignifiant. Aucun de nos prédécesseurs humains n'avait été soumis à un tel traitement qui désarçonne notre capacité de réaction, fascine notre regard, envahit nos neurones et leurs connexions, et structure sans nous, ou même malgré nous notre cerveau. Il peut avoir sur lui le même effet qu'une drogue, mettant en place un écran entre la réalité et notre perception de cette réalité, créant une accoutumance, un besoin.

  • Autant la radio, dont le matériau est la parole, est dans la continuité des moyens d'information de la presse, autant la télévision, dont le matériau est l'image en mouvement, constitue une mutation dans notre rapport à la réalité aussi inquiétante que les mutations de notre patrimoine génétique.

  • Présenter la télévision comme un prolongement des moyens d'information d'autrefois est lui faire beaucoup trop d'honneur. Elle ne succède nullement aux journaux ou aux revues qui décrivaient les faits et proposaient une réflexion à leur propos. Elle a plutôt pris la place des bonimenteurs qui jadis, sur les boulevards, vendaient des poudres miraculeuses, et celle des camelots qui distribuaient des chansons illustrées paraphrasant l'actualité.

  • Les bonimenteurs et les camelots des boulevards n'étaient guère dangereux car leur impact était limité; ils n'étaient que des amuseurs. Aujourd'hui, les télévisions participent largement à ce rôle d'amuseurs, mais elles interviennent simultanément, sans en avoir le mandat, dans la formation des esprits. Qu'elles puissent se donner comme objectif de décerveler les citoyens donne la mesure du danger.

  • Le pétrole et le gaz naturel sont les exemples les plus spectaculaires de ces ressources non renouvelables. L'on sait que ces substances, devenues précieuses pour nos sociétés fondées sur la technique, sont le résultat d'un processus de production qui s'étend sur plusieurs centaines de millions d'années. Les détruire, c'est les faire disparaître définitivement. Avant d'en disposer, il faudrait donc répondre à la question : " A qui appartiennent-elles ? " La réponse la plus raisonnable est : " A tous les hommes ", en incluant dans ce " tout " non seulement les six milliards et demi d'êtres humains d'aujourd'hui, mais les nombreux milliards qui leur succèderont jusqu'à la fin de l'humanité.

  • Lorsque des familles sont à la rue, lorsque des enfants sont logés dans des trous à rats, lorsque, comme à Paris durant l'été 2005, plusieurs incendies de taudis provoquent des dizaines de morts, tandis que des locaux tout proche restent vides, il serait criminel de ne pas réagir en remettant en cause le droit de propriété.

  • Songeons à la multiplication des objets inutiles et rappelons-nous de la réaction de Socrate qui se serait écrié en entrant dans une boutique : " Que de chose dont je n'aurai jamais besoin ! " que dirait-il aujourd'hui en entrant dans un supermarché ?

  • Sur une planète dont les dimensions et les richesses sont finies, tout processus exponentiel ne peut qu'être éphémère. La croissance de la consommation est en réalité l'équivalent d'une drogue; la première dose crée l'euphorie mais les suivantes mènent inévitablement à la catastrophe. Prétendre résoudre un problème, par exemple le chômage, par la croissance, s'est s'enfoncer délibérément dans une impasse.

  • Réussir est devenu l'obsession générale de notre société, et cette réussite est mesurée par notre capacité à l'emporter dans des compétitions permanentes. Il est pourtant clair que la principale performance de chacun est sa capacité à participer à l'intelligence collective, à mettre en sourdine son je et à s'insérer dans le nous, celui-ci étant plus riche que la somme des je dans laquelle l'attitude compétitive enferme chacun. Le drame de l'école est d'être contaminée par une attitude de lutte permanente, qui est à l'opposé de sa finalité.

  • À deux reprises, j'ai donc défilé avec ma promo sur les Champs-Élysée. Je me souviens d'avoir éprouvé une certaine gêne, car j'avais lu la remarque d'Einstein : " Pour marcher au pas, le cerveau est superflu, la moelle épinière suffit. "

  • Il ne s'agit pas de refuser l'autorité du pouvoir, nous sommes par bonheur en démocratie, mais d'intervenir au quotidien, au difficile équilibre entre le désordre et les excès de l'ordre.

  • Élève médiocre Albert Jacquard change d'école sans que son dossier scolaire le suive. Ses nouveaux professeurs l'interrogent :
    " En quoi êtes-vous bon ? ", j'ai répondu : " En tout, sauf en gymnastique. " Les professeurs m'ont cru. J'ai donc été bon. Je regrette pour la gymnastique.

  • La meilleure façon de faire le tour d'un domaine scientifique est de l'exposer, de l'enseigner, d'en faire un livre.

  • Sélectionner parmi quelques centaines d'étudiants ceux qui seront aptes, dix années plus tard, à exercer tel métier est une tâche impossible. Sauf cas extrêmes, seule une voyante extralucide pourrait prétendre donner une réponse. Comment quelques copies apporteraient-elles des informations suffisantes pour décider d'une performance à venir aussi multiforme que, par exemple, la profession de médecin ?

  • Une utopie qui se borne à décrire un rêve irréalisable est plus néfaste qu'utile; le fossé entre le réel vécu dans l'instant et le souhaitable imaginé pour plus tard apparaît définitivement infranchissable.
    Tous les abandons sont alors justifiés, tous les projets se heurtent à la lâcheté des " À quoi bon ? ".
    Elle peut être au contraire un facteur de renouveau, être à l'origine d'une dynamique, si elle est reçue en suscitant un " Pourquoi pas ? ".

  • N'oublions pas que c'est un Occidental, un chrétien, le président Harry Truman, qui a osé s'adresser publiquement à Dieu au lendemain de l'explosion d'Hiroshima pour - je cite : " Le remercier de nous avoir donné cette arme. " Cette référence à Dieu dans un tel contexte montre que les consciences n'ont guère progressé depuis les XIIe siècle, époque où les cardinaux du Vatican condamnaient l'usage de l'arbalète, mais en limitant cet interdit aux seuls combats entre chrétiens.

  • Pour mettre un terme définitif aux guerres, la seule issue est de développer l'art de la rencontre.

  • Le risque est grand que l'on réfléchisse à l'éducation avec une mentalité d'ingénieur s'efforçant de produire des objets définis avec précision, ou avec un regard d'économiste, de comptable, s'efforçant de dégager la meilleure rentabilité.


Le compte à rebours a-t-il commencé ? - 2009
  • Ce n'est pas là seulement une affirmation de la Déclaration universelle des droits de l'Homme, c'est la conclusion de la recherche scientifique : tous les humains ont une origine commune.
    Ils sont donc tous également co-propriétaire de la planète, donc co-responsables de sa gestion. A la question : " A qui est confiée la planète ? " la seule réponse est désormais : " A tous les humains, y compris ceux qui ne sont pas encore nés ".

  • Depuis de nombreuses générations ils [les humains] savaient que, pour créer de la richesse, il faut des idées, du travail et des outils; des paraphes sur des documents imprimés peuvent tout au plus déplacer les richesses, non les créer. Les clients des banques ont été semblables aux publics naïfs qui, dans les foires, sont séduits par les promesses des bonimenteurs. Ils ont confié leur fortune à des financiers, ceux-ci l'ont convertie en prêts qui ne seront jamais remboursés.

  • Le mot " croissance " à lui seul est le signe d'une véritable supercherie, contre laquelle l'enseignement prémunissait autrefois les élèves préparant le certificat d'études, au bon vieux temps où ce certif marquait la fin de l'adolescence. Les programmes scolaires introduisaient le concept " d'intérêts composés ", c'est-à-dire, en terme plus pédants, celui de l'évolution exponentielle. Les élèves comprenaient qu'un franc placé à " trois pour cent l'an " à l'époque de Charlemagne représentait, douze siècles plus tard, une fortune fabuleuse, supérieure à la totalité des avoirs de tous les humains morts ou vivants; ils savaient donc qu'un tel processus ne peut être durable.

  • Ceux qui prêchent la croissance de la consommation, dans les pays où les besoins vitaux sont déjà plus que satisfaits, sont aussi néfastes que les dealers répandent leurs drogues.

  • Le changement de perspective que nécessite, dès à présent, l'abandon du leurre qu'est la croissance des biens matériels ne pourra aboutir que par l'adhésion des générations qui nous suivront. Les signes sont nombreux d'un écœurement des adolescents devant ce que nos sociétés présentent comme des réussites et qui ne sont ressentis par les nouveaux venus que comme des embrigadements, des mises aux normes, qu'ils récusent.
    Il est temps que les années passées dans le système éducatif leur apparaissent non comme la préparation à une soumission, mais comme le début de la construction par chacun de la personne qu'il choisit d'être.
    C'est cette soumission qui représente le pire danger de l'intégrisme économique : l'acceptation passive des conséquences de processus qui nous échappent, amplifiés par le recours à des mots qui ne font référence à aucune réalité.

  • La machine devrait être au service de ceux qu'elle aide, non au service des financiers qui s'en rendent propriétaires.

  • L'école est au service de ceux qui s'adressent à elle pour qu'elle les aide à devenir eux-mêmes, non au service de la société. Elle n'est pas chargée de lui fournir des humains prêts à l'emploi dont elle a besoin; elle n'a pas à se préoccuper du nombre d'archivistes-paléographes, d'astronautes, de jardiniers ou de pianistes dont la société aura besoin dans vingt ans. Son rôle est de fournir dans l'immédiat, à ceux qui pensent en avoir la vocation, les moyens d'acquérir les compétences qu'ils désirent.


J'accuse l'économie triomphante - 1995
  • Les éléments nécessaires pour produire du blé étaient autrefois la terre, le soleil, et la sueur des bêtes et des hommes. Aujourd'hui, la terre ne compte guère, les animaux ont disparu, les hommes continuent à se fatiguer, différemment mais au moins autant qu'avant, et le reste des ingrédients est fourni par l'industrie. Certes le rendement à l'hectare s'accroît régulièrement, mais ce terme n'a plus le même sens, puisque le rôle de la terre s'est amoindri. Il faut comparer la récolte non à la surface qui lui est consacrée, mais à l'ensemble des produits de toutes natures qu'il a fallu consommer pour l'obtenir (les intrants). Le bilan est alors beaucoup moins glorieux. Ce que met en évidence le prix de revient élevé des céréales produites. Encore ce prix ne tient-t-il pas compte des charges qui, en bonne logique, devraient lui être imputées : coût des pollutions induites qui détruisent peu à peu l'écosystème, coût du déplacement de populations qui avaient un toit au village et pour qui il faut construire des barres ou des tours dans les grands ensembles.

  • L'objectif affiché [de la société actuelle] est de devenir un " gagnant ", comme si un gagnant n'était pas, par définition, un producteur de perdants. En nous présentant cette attitude de combat permanent de chacun contre les autres, comme une conséquence nécessaire de la " lutte pour la vie ", les économistes ont enfermé les hommes d'aujourd'hui dans une logique aboutissant à l'échec final de tous.

  • La publicité [...], pour arriver à ses fins, doit décerveler les citoyens. Ceux-ci ne sont plus que des consommateurs qu'il faut manipuler, transformer en foule docile, à qui l'on veut faire prendre des vessies pour des lanternes. Cet objectif est naïvement avoué par l'usage d'une expression dont le cynisme éhonté n'est plus perçu tant elle est utilisée : " améliorer l'image de marque ". Il ne s'agit plus d'améliorer la réalité des produits offerts par une grande entreprise sous une marque commune, mais la perception floue qu'en ont les acheteurs.

  • Le pouvoir voit sans déplaisir les frustrations et les colères engendrées par une vie sans espoir trouver un exutoire dans la frénésie des fins de match. Pendant qu'ils braillent " On a gagné ", les sans-emploi ne pensent pas à faire la révolution.

  • Aller de Paris à Dakar est certainement une aventure humaine merveilleuse, à condition de parcourir le trajet le plus lentement possible. Qu'apporte la vitesse, sinon la possibilité infantile d'établir un classement à l'arrivée ? Devenu une course, le Paris-Dakar n'est plus qu'un jeu stupide, dangereux, que gagne le plus capable de dépenser, et qui manifeste avec une morgue insupportable le mépris des Européens repus pour les Africains qui crèvent de faim. Une fois de plus l'économisme a tout perverti.

  • La véritable liberté est indissociable de la protection des plus faibles. Le libéralisme à l'occidentale est synonyme d'esclavage pour la grande majorité des hommes, qu'ils soient citoyens des pays du Sud ou relégués dans les couches dévalorisées des pays du Nord.

  • Admettre comme des vérités absolues les propositions des économistes, c'est passer de l'économie, discipline scientifique parmi d'autres, à l'économisme, intégrisme aussi ravageur que les intégrismes religieux.

  • Un objet, matériel ou immatériel, n'a pas de valeur en soi; il n'en a que si au moins une personne voit en lui une source de satisfaction; c'est donc l'attitude des hommes qui est la source de la valeur. Un sourire chaleureux, une journée ensoleillée, de l'air pur, apportent au moins autant de satisfaction qu'une pièce en or. Mais un économiste ne sait en tenir compte; cette valeur-là ne peut entrer dans ses raisonnements. Tout en gardant le même mot " valeur ", il restreint son champ de réflexion aux objets qui ont d'autres caractéristiques permettant d'évoquer un autre type de valeur, que l'on appelle la valeur marchande.

  • Être libre, ce n'est pas avoir la capacité de faire n'importe quoi; la liberté de l'individu seul sur une île n'a pas de contenu. Être libre, c'est accepter des contraintes discutées en commun et auxquelles chacun se soumet au nom d'un objectif supérieur : la liberté de la parole est l'aboutissement des contraintes du langage.

  • L'école de demain ne servira plus à approvisionner les généraux en chair à canon ou les chefs d'entreprise en chair à profit; elle aidera des hommes à se construire eux-mêmes au contact des autres.

  • L'obligation scolaire ne devrait pas être comprise comme imposant aux enfants d'aller à l'école, mais comme imposant à leur entourage, et en premier lieu à leur famille, de les aider à bénéficier de son enseignement.


Petite philosophie à l'usage des non-philosophes - 1997
  • La fraternité a pour résultat de diminuer les inégalités tout en préservant ce qui est précieux dans la différence.

  • Est fanatique celui qui est sûr de posséder la vérité. Il est définitivement enfermé dans cette certitude; il ne peut donc plus participer aux échanges; il perd l'essentiel de sa personne. Il n'est plus qu'un objet prêt à être manipulé.

  • Ceux qui prétendent détenir la vérité sont ceux qui ont abandonné la poursuite du chemin vers elle. La vérité ne se possède pas, elle se cherche.

  • Oublions ces examens qui agissent comme des aimants pernicieux en orientant les efforts vers la " réussite ". En réalité, ils ne sont que des événements anecdotiques, de peu d'importance à côté de l'enjeu essentiel : construire cet outil fabuleux qu'est notre intelligence.

  • Communiquer, c'est mettre en commun; et mettre en commun, c'est l'acte qui nous constitue. Si l'on estime que cet acte est impossible, on refuse tout projet humain.

  • Respecter autrui, c'est le considérer comme une partie de soi, ce qui correspond à une évidence si l'on accepte la définition : " Je suis les liens que je tisse avec d'autres. "

  • Exprimer une idée est une activité difficile à laquelle il faut s'exercer; la télé supprime cet exercice; nous risquons de devenir un peuple de muets, frustrés de leur parole, et qui se défouleront par la violence.

  • L'amoureux qui espère ressent plus de bonheur que l'amoureux qui a obtenu !

  • Idéalement, tout comportement devrait résulter d'une décision personnelle prise après une analyse lucide. Suivre un exemple, c'est se défausser d'une responsabilité sur un autre. Donner l'exemple en proposant à l'autre de suivre cet exemple, c'est l'encourager à une irresponsabilité.

  • Le rôle de l'école est d'intégrer un petit d'homme dans la communauté humaine, de transformer un individu en une personne. Répétons-le : éduquer c'est é-ducere, c'est conduire un jeune hors de lui-même, le faire exister dans les échanges qu'il vit avec les autres.

  • Les maths sont ce qu'il y a de plus facile à comprendre. Sauf pathologie mentale profonde, tout le monde est " bon en maths ". Mais pour des raisons que les psychologues pourraient sans doute élucider, certains jeunes décident qu'ils ne sont pas bons. Je crois que la principale responsabilité réside dans la façon dont les mathématiques sont enseignées.

  • La liberté n'est pas la possibilité de réaliser tous ses caprices; elle est la possibilité de participer à la définition des contraintes qui s'imposeront à tous.

  • On ne peut mesurer que ce qui est unidimensionnel.

  • Le péché fondamental des religions : faire des adeptes qui ne posent plus de questions. L'attitude scientifique est exactement à l'opposé.

  • Les religions devraient solennellement proclamer que toute guerre en leur nom constitue véritablement un blasphème.

  • Plus nous sentons le besoin d'agir, plus nous devons nous efforcer à la réflexion. Plus nous sommes tentés par le confort de la méditation, plus nous devons nous lancer dans l'action.

  • On peut apprendre à un ordinateur à dire : " Je t'aime ", mais on ne peut pas lui apprendre à aimer.

  • Nous ne voyons pas le monde avec nos yeux, nous le voyons avec nos concepts.

  • L'oisiveté est, dit-on, la mère de tous les vices, mais l'excès de travail est le père de toutes les soumissions.

  • Le véritable remède contre le chômage est qu'il n'y ait plus de travail pour personne, mais pour chacun une place dans la société.

  • Utiliser les maths comme outil de sélection est décidément une aberration. Sur quoi sélectionner alors ? direz-vous. La vraie question est : Pourquoi sélectionner ? Et je ne connais pas la réponse.

  • La plupart des religions recommandent " d'aimer son prochain ". Le fait est que, malgré ce bel objectif, elles ont souvent secrété des comportements d'exclusion des païens, des infidèles, des ennemis du vrai Dieu, qui n'étaient plus regardés comme des prochains, des frères, mais comme des adversaires à éliminer. Ce n'est pas au nom d'une volonté divine qu'il faut " aimer son prochain ", mais au nom de notre lucidité sur la réalité humaine. Cette lucidité est pour moi le fondement de la laïcité.

  • Si le foulard n'était qu'une façon de s'habiller, il ne poserait pas problème. Mais le " foulard islamique " est une façon d'affirmer qu'une jeune musulmane, pour être fidèle à sa religion, doit le porter. Il s'agit donc d'une pression sur celles qui jugent bon de n'en pas porter. A ce titre, il ne peut être toléré.

  • L'invention des dieux [...] résulte d'une démission de la raison, plus précisément d'une incapacité à accepter une évidence douloureuse, du moins pour certains : que la raison ne peut apporter des réponses à tout. Cette invention, comme toutes les inventions, a été utilisée parfois pour provoquer les pires fléaux, ainsi les effroyables guerres de religion.

  • L'évocation d'un paradis à gagner en acceptant les misères du monde présent a été une véritable drogue évitant la révolte des exploités. La religion catholique n'a pas fini de payer sa compromission avec ce détournement des paroles de l'Évangile.

  • La démarche scientifique n'utilise pas le verbe croire; la science se contente de proposer des modèles explicatifs provisoires de la réalité; et elle est prête à les modifier dès qu'une information nouvelle apporte une contradiction. Pourquoi les religions n'en feraient-elles pas autant ?

  • Je suis, comme beaucoup, agnostique, c'est-à-dire conscient de mon incapacité à dire quoi que ce soit à propos de ce qu'il est convenu de désigner par le mot Dieu.

  • Les religions sont un obstacle sur ce chemin [recherche de la vérité] dans la mesure où elles se réfèrent à une parole révélée. Le concept de révélation conduit droit à l'intégrisme dont nous voyons les ravages.


Halte aux Jeux ! - 2004
  • Ramener l'événement à un palmarès est aussi réducteur que de décrire une statue de bronze en se contentant d'en indiquer le poids.

  • N'est-il pas grotesque de prétendre que " la France est championne du monde " alors que le respect de la vérité nécessite de dire simplement qu'une équipe subventionnée par le budget de l'État français a remporté un championnat ?

  • L'histoire de notre espèce n'est pas seulement celle des exploits individuels peu à peu améliorés, elle est surtout celle des réussites permises par notre capacité à mettre en commun. Tout exploit de l'un d'entre nous doit donc être ressenti par chacun comme le signe d'une avancée dont tous nous pouvons nous sentir acteurs.

  • Lorsque cet objectif de victoire personnelle est la finalité réelle des efforts consentis, l'aboutissement ne peut être qu'une lutte contre les autres, alors que la réussite essentielle des êtres humains est de savoir lutter contre soi avec l'aide des autres...
    Officiellement, il s'agit de rencontres loyales où chacun manifeste au mieux ses talents. Le mot d'ordre est partout répété : " L'important, c'est de participer, non de gagner. " Mais il est difficile de ne pas déceler dans cette formule une bonne dose d'hypocrisie, tant l'accent est mis à toute occasion sur la nécessité de gagner...
    Si vraiment l'objectif est de participer, il ne peut pas être de gagner; si vraiment l'objectif est de rencontrer amicalement d'autres êtres humains, il ne peut pas être de chercher à l'emporter sur eux; si vraiment il s'agit de faire la fête, il ne peut pas s'agir de se doper. Pour éradiquer le dopage, la seule voie possible est d'en supprimer la cause, c'est-à-dire d'oublier la compétition.


La science à l'usage des non-scientifiques - 2003
  • Calculer la probabilité d'un événement n'a aucun sens une fois que l'on sait qu'il s'est produit. L'apparition de la vie, celle des dinosaures, celles des Hommes, a résulté d'un grand nombre de bifurcations dans le cours des processus se déroulant sur notre planète; chacune de ces bifurcations s'est produite alors que de nombreuses autres étaient possibles; chacune avait une probabilité faible, mais il fallait bien qu'une de ces possibilités se produise.


Entretien sur Nouvelles Cles.com
  • Je ne suis pas athée, mais agnostique. Athée, cela veut dire : je sais que Dieu n'existe pas. Moi, je n'en sais strictement rien. Gnose signifie parler. Être agnostique, cela veut dire : si Dieu existe, je suis incapable de le dire, donc je n'en parle pas. Mais je peux évoquer l'idée que d'autres se font de Dieu.


Revue Topo, anatomie du credo - avril 2004
  • "... j'ai été un petit catho très fervent dans ma jeunesse. J'ai passé deux ans chez les jésuites, j'ai même servi la messe ! Mais progressivement, je me suis éloigné de l'Église et de ses rites : "Trop longtemps, j'ai cru ce qui m'était dit", sont les premiers mots de mon livre [Dieu ?]. J'ai réalisé que les religieux m'avaient enseigné des choses auxquelles eux-mêmes ne croyaient pas. Et je leur en ai voulu.



L'éducation est un thème cher à Albert Jacquard

Voici un article paru le 22 mars 1999 sur Humanité.fr

Moi, Albert Jacquard, ministre de l’Éducation, je décrète :

L’Éducation nationale ne doit pas préparer les jeunes dont l’économie ou la société ont besoin. La finalité de l’éducation est de provoquer une métamorphose chez un être pour qu’il sorte de lui-même, surmonte sa peur de l’étranger, et rencontre le monde où il vit à travers le savoir.

Moi, ministre de l’Éducation nationale, je n’ai qu’une obsession : que tous ceux qui me sont confiés apprennent à regarder les autres et leur environnement, à écouter, discuter, échanger, s’exprimer, s’émerveiller.

À la société de s’arranger avec ceux qui sortent de l’école, aux entreprises d’organiser les évaluations et la formation de leur personnel à l’entrée des fonctions.

Il faut que les rôles cessent d’être inversés : l’éducation nationale ne produira plus de chair à profit.

Article premier
Il faut supprimer tout esprit de compétition à l’école. Le moteur de notre société occidentale est la compétition, et c’est un moteur suicidaire.
Il ne faut plus apprendre pour et à être le premier.

Article deuxième
L’évaluation notée est abandonnée. Apprécier une copie, ou pire encore, une intelligence avec un nombre, c’est unidimentionnaliser les capacités des élèves.
Elle sera remplacée par l’émulation. Ce principe, plus sain, permettra la comparaison pour progresser, et non pour dépasser les camarades de classe.
Mettre des mots à la place des notes sera plus approprié.

Article troisième
Les examens restent dans leur principe, sachant que seuls les examens ratés par l’élève sont valables. Ils sont utiles aux professeurs pour évaluer la compréhension des élèves. Mais les diplômes ou les concours comme le baccalauréat sont une perte de temps et sont abolis.
Sur tous les frontons des lycées figurera l’inscription : " Que personne ne rentre ici s’il veut préparer des examens. "

Article quatrième
Les grandes écoles (Polytechnique, l’ENA...) sont remises en question dans leur mode de recrutement. La sélection, corollaire nécessaire de la concurrence, et qui régissait l’entrée dans ces établissements, ne produisait que des personnalités conformistes, incapables de créativité et d’imagination.
Pour entrer à l’ENA, des jeunes de vingt-cinq ans devaient plaire à des vieux de cinquante ans. Ce n’était pas bon signe.

Article cinquième
Les enseignants n’ont plus le droit de se renseigner sur l’âge de leurs élèves. Les dates de naissances doivent être rayées de tous les documents scolaires, sauf pour le médecin de l’école.
Il n’est plus question de dire qu’un enfant est en retard ou en avance, car c’est un instrument de sélection. Chacun doit avancer sur le chemin du savoir à son rythme, et sans culpabilisation ou fierté par rapport aux camarades de classe.
Par contre, un professeur a le devoir de demander à l’élève ce qu’il sait faire pour adapter son enseignement, éventuellement programmer un redoublement.
Le redoublement est d’une réelle utilité s’il n’a pas de connotation de jugement.

Article sixième
Chaque professeur sera assisté d’un professeur de philosophie. Il faut en effet doubler l’accumulation des connaissances d’une approche par les concepts. Il faut en particulier passer par l’histoire des sciences, restituer les connaissances par rapport aux erreurs historiques d’interprétation des savoirs. Il faut que les élèves aient conscience des enjeux politiques qui se cachent derrière le progrès scientifique. On pourra rester quelques semaines sur un même concept, plutôt que de saupoudrer du savoir dans chaque cours.

Article septième
Le travail des professeurs par disciplines est annulé au profit du travail en équipe. La progression du travail des classes ne doit pas être perturbée par des impératifs de programme.

Article huitième
Chaque personne disposera dans sa vie, vers la fin de la trentaine, de quatre années sabbatiques afin de faire le point, se réorienter, apprendre d’autres choses. Chacun a le droit de vouloir changer de métier ou de vocation, parce qu’il n’est pas évident de se déterminer définitivement à dix-huit ans.

Article neuvième
Le ministère de l’Économie ne dictera plus ses besoins au ministère de l’Éducation. Dorénavant, le ministre de l’Économie donnera tous les moyens nécessaires à l’Éducation nationale pour réussir sa vocation.



Dernière modification le 12/09/2010

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